Reconfinement de Paris : je suis triste et en colère
Jeudi 18 mars 2021, il est 18h45, je suis encore au bureau. Des consultantes sont présentes pour un projet. Je suis en pleine crise d’anxiété depuis 36 heures par possible reconfinement de Paris. Des mois de conseils de défense et de conférences de presse.
La France vit au rythme des conseils de défense, le mercredi matin, et des conférences de presse, le jeudi à 18h00 . Les bonnes semaines, les conférences de presse sont tenues par le ministre de la santé. Ces semaines-là, la France échappe “ au tour de vis”, expression paternaliste pour signifier que de nouvelles mesures vont être prises dans la restriction de nos libertés individuelles pour lutter contre le COVID19. Oui, je dis le COVID19 et non la COVID19. Le langage de la rue prime sur le langage de l’Académie française.
Depuis le début de la semaine, les épidémiologistes sont enfin écoutés et de nouvelles mesures vont être prises pour le reconfinement de Paris. Le premier ministre a prévu d'animer la conférence de presse, ce qui signifie "nouvelles mesures" mais les Français ne savent pas lesquelles. La communication gouvernementale est à l'œuvre : visite du président dans un hôpital et visio avec des réanimateurs...
Il est 18h45 et cette semaine, la conférence de presse a été exceptionnellement repoussée, à 19h00, faisant durer le supplice une heure supplémentaire. La raison, le gouvernement ne veut pas interférer avec la conférence sur le sort européen fait au vaccin Astrazeneca.
Il est 18H45, je suis en état d’anxiété maximale : j’ai du mal à respirer, mes pensées fusent dans tous les sens pour imaginer quel scénario de reconfinement de Paris va être privilégié : le confinement du week-end, le confinement strict, d’autres mesures ? Je checke google actualité toutes les cinq minutes et j’actualise la page du Monde en permanence. J’ai envie de partir pour être chez moi, mais les consultantes n’ont pas terminé leur travail.
A LIRE : Trop plein de Paris
L'annonce
Elles partent, enfin, à 19h00. Je m’enfuie prendre le métro pour avoir les brides de fin de la conférence de presse. Je descends par la rue d'Amsterdam. La rue est quasi déserte. Quelques parisiens remontent vers la Place de Clichy. La tension est palpable. Un trentenaire regarde avec son amie, la conférence de presse en marchant. J’entends la voix de Jean Castex mais je ne comprends rien. Je m’engouffre dans le métro à Havre Caumartin, et là mon téléphone se met à clignoter de messages whatsapp dans tous les sens avec les émojis crotte.
La sentence est tombée mais je ne sais pas laquelle. Je réponds que je suis dans le métro, que je ne suis pas devant, que je ne comprends pas… Je m’assois dans la 9 quasi déserte et un message ne tarde pas : "reconfinement pour 4 semaines". Je ne réponds pas. Je range mon téléphone dans mon sac et je me mets à pleurer. L’avantage d’être à Paris, c’est que tu peux pleurer dans le métro sans qu'on vienne t'emmerder. Mon masque s'humidifie au fil des stations. Je rentre dans mon appartement et j'ai un sentiment de rejet. Je ne mets même pas la conférence de presse. J'explose.
Je suis en colère
Je suis en colère face à l’échec d’un président qui a fait un pari avec la vie des français.
Je suis en colère que ces mesures n'ont pas été prises le 29 janvier quand il faisait froid et moche et que les réanimations n’étaient pas à saturation.
Je suis en colère d’avoir entendu le satisfécit d’un gouvernement mi février alors que les variants progressaient.
Je suis en colère de voir notre pays englué, depuis un an, dans cette pandémie sans plan, sans anticipation, à la traîne sur les masques, les tests, les vaccins, les variants.
Je suis en colère pour tous ces soignants que l’on sacrifie. C’est de la chair à canon de cette pandémie. Ce sont les fantassins de l’armée jupiterienne.
Je suis triste
Je suis triste de voir tous mes plans du printemps tomber à cause de ces nouvelles mesures. Je venais de me programmer un plan de sortie pour vivre un peu, retrouver de la légèreté et de l'insouciance : partir quelques jours à Nice avec une de mes amies, Pâques , mes 40 ans, la Bretagne en famille. Tout tombe à l’eau.
J'ai passé la soirée au téléphone avec ma famille et mes amies à évacuer cette colère et cette tristesse. A trouver de nouveaux plans pour vivre avec cette situation.
Quel est le plan ?
Ce samedi 20 mars midi, je lis que l'attestation n'est pas nécessaire en journée. Nous pouvons circuler autour de chez nous dans un rayon de 10 kilomètres. sans justificatif Ok mais quand nos très proches sont loin, comment faisons-nous ?
Depuis des mois, avec ma famille, nous arrivons à créer des bulles sanitaires, même en vivant à des centaines de kilomètres de distance. Avant de les voir, je ne fais aucun déjeuner, je vois mes amis dehors et je me fais tester avant de descendre. Je prends le train avec un masque FFP2. Pourquoi, je me priverai d'eux alors que s'ils étaient à moins de dix kilomètres, je pourrais les voir tous les jours ?
Actuellement, mon immeuble bruisse de voix... Quand allons-nous sortir de cette de reconfinement de Paris ? Je n'ai pas bien compris quel est l'objectif des ces quatre prochaines semaines ? Personne n'est capable de me le donner.. Un plan existe-t-il au moins ?