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Compostelle : je trahis la pèlerine ?

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Mercredi matin, je suis dans la ligne 5. Je vais à un entretien d’embauche. Je postule à un poste à responsabilité mais une phrase tourne en boucle dans ma tête « Je suis en train de trahir la pèlerine. »

Arrivée à la station Crimée, je sors de la rame et remonte le quai. En haut de l’escalier, je tape l’adresse de l’entreprise dans mon GPS. Comme d’habitude, je n’arrive pas à comprendre le sens de la flèche de l’application Citymapper. Je tourne mon téléphone dans tous les sens et je me déplace de 30 m dans un sens pour repérer l’avancement de la flèche sur la carte. Je vais être en retard à l’entretien. Enfin sur le bon chemin, la phrase revient « Je suis en train de trahir la pèlerine. »

Je passe l’entretien avec des propos provocants et dans le rapport de force. En sortant, je suis persuadée que mon type de personnalité ne sera pas retenu dans cet univers consensuel et discret. [j’ai un job qui se passe bien donc moins d’enjeu qu’une personne à la recherche d’un emploi].

Quelques jours plus tard, la DRH m’appelle pour un entretien final avec le directeur général et le directeur adjoint. A ce moment-là, mon cerveau se met en alerte rouge et le questionnement est devenu obsessionnel : Est-ce que je vais devoir renoncer à ce que j’ai construit ces dernières années en dehors du boulot pour un job à responsabilité ? Est-ce que c’est une question d’ego et un besoin de reconnaissance ou j’ai réellement envie de ce job ?

Retour sur Compostelle

Le 1er janvier 2017, je suis passée à Roncevaux et j’ai eu l’idée de faire la partie française du chemin de Compostelle. C’est devenu une évidence. J’étais exténuée par les attentats de 2015 et par une pression forte au boulot.

Six mois plus tard, je suis partie seule du Puy en Velay direction Roncevaux avec mon sac à dos et mon miam-miam dodo. Pendant ces semaines de marche, je me suis rencontrée. Mon état d’esprit a changé. Je ne suis pas arrivée à Roncevaux. L’épuisement physique m’a fait arrêter bien avant. A Auvillar. J’ai fini la partie française en 2019.

A LIRE : Compostelle : préparer votre retour

Le retour non préparé en 2017, après ces quelques semaines de liberté, a été compliqué. J’étais la même à l’extérieur mais différente à l’intérieur. J’ai acquis de la confiance en moi. J’ai des envies différentes. J’ai compris que l’égo n’était pas la bonne boussole pour faire des choix. J’ai eu le sentiment d’avoir mis un couvercle sur qui j’étais pour intégrer un moule et un mode de pensée. Ce mode de fonctionnement a été efficace car il m’a permis de progresser rapidement dans mon cursus professionnel et de sortir de mon milieu social. La contrepartie a été le renoncement à ma vie personnelle.

Quelques mois après, les ennuis ont commencé au bureau pour différentes raisons : organisation, perte de sens. Le début de la fin a été quand je me suis affirmée et que j’ai commencé à dire non. La rupture est arrivée. J’ai changé de boulot pour un emploi avec moins de responsabilités dans une petite équipe.

Le rétrécissement de nos vies personnelles

En ce début d’année 2021 et après un an de pandémie, j’ai envie de retrouver des responsabilités et une agilité intellectuelle. La vie professionnelle reprend une grande importance et mon insatisfaction grandit par le fait que le COVID 19 ait supprimé toutes nos activités personnelles.. Mes proches me mettent en garde : Souviens-toi de ta dernière expérience. Elle ne te convenait pas. Mon égo est reparu. Il me faut de l’enjeu, de l’adrénaline. J’ai postulé à ce poste qui me fait envie et qui nourrit mon besoin de puissance. C’est comme cela qu’un mercredi matin, je me suis retrouvée dans le métro avec cette phrase entêtante : « Je suis en train de trahir la pèlerine. »

Est-ce que je suis allée à ce dernier entretien ?

Non. Je ne suis pas allée à cet entretien. Je ne le regrette pas. Je ne projetais pas dans ce poste dans les trois prochaines années et encore moins en temps de pandémie.

Mon égo est satisfait de voir que mes compétences sont encore reconnues sur le marché du travail. Cela me suffit. Je n’ai pas envie d’entrer dans un moule et de représenter la direction comme on me l’a demandé. De devoir travailler longuement et de louper la réouverture des théâtres et des restaurants.

J’ai peur de l’avenir car je me suis fermée une porte professionnelle mais je suis fière d’avoir choisi ma vie personnelle et mon épanouissement. Je ne suis pas tombée dans ce vieux travers d’un besoin de reconnaissance professionnelle. Je laisse ça aux ambitieux, aux politiques et aux petits jeunes carriéristes. 

Je me sens bien et surtout je n’ai pas trahi la pèlerine. Le principal. 

Connaissez-vous ce sentiment de trahison intérieure ? Comment gérez-vous vos besoins et envies pro/perso ?


Commentaires

Une réponse à “Compostelle : je trahis la pèlerine ?”

  1. Bravo Émilie ce qui semble une étoile peut être filante…..et il y en aura d autres des chemins….quelle belle expérience…ma fille a fait le même choix…..Anne Marie

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