La ligne de nage - Julie Otsuka
La ligne de nage de Julie Otsuka aux éditions Gallimard a paru en 2022. Un très beau roman aquatique et délicat sur la vieillesse et les pertes de mémoire. A lire !
J’ai repris la natation depuis quelques semaines. Nager a de nouveau une place dans mon quotidien. Je n’ai jamais lu le livre La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules de Philippe Delerm. Ma première coulée est un moment de pur bonheur. Poser les pieds sur le mur de la piscine, pousser sur les jambes et se propulser sous l’eau. J’oublie tout. Je suis dans l’instant présent et je savoure cette liberté retrouvée. Je fais corps avec l’eau et je me détends. C’est immédiat. Je suis sans sexe, sans âge, sans attribut. Plus présente au monde. Sous l’eau. Plus rien n’existe autour de moi. Je souris au sol de la piscine. Je n’ai pas envie de remonter pour reprendre ma respiration.
Je viens de finir La ligne de nage de Julie Otsuka aux éditions Gallimard. L’auteure raconte le quotidien d’une piscine aménagée au sous-sol d’un immeuble californien. On y croise les habitués et Alice son personnage principal. Un jour, une petite fissure apparaît au fond de la piscine et intrigue les habitués. Dans le cerveau d’Alice, c’est sa mémoire qui se fissure.
Dans la deuxième partie du livre, on bascule dans la vie d’Alice et son départ de la maison pour un hébergement spécialisé. Elle n’est plus en capacité de rester avec son mari, des post-it collés partout. En polyphonie, Julie Otsuka raconte avec délicatesse les conséquences des pertes de mémoire d’Alice.
Un chapitre terrifiant sur le nouvel hébergement d’Alice, rappelle un autre livre A prendre ou à laisser de Lionel Shriver. La même description de maisons de retraite médicalisées sans âme, aseptisées, anonymes où tout est protocole et procédure et plus rien n’est vivant.
Le roman se finit par le regard de la fille d’Alice sur ses derniers mois. On s’identifie et comme à l’opéra, on pleure sur sa tristesse de voir ses proches vieillir et qu’un jour, ils ne soient plus là. Il me faudra nager deux fois plus pour continuer à vivre.
J’ai très envie de lire son roman Certaines n'avaient jamais vu la mer paru en Folio.
Résumé de l'a maison d’édition
« Parce que pour nous, nager est plus qu’un passe-temps, c’est une passion, un réconfort, une drogue choisie, ce que nous attendons plus que toute autre chose. C’est le seul moment où je me sens vraiment en vie. »
Les nageurs et nageuses de cette piscine que tous appellent « là en bas » viennent ici pour se libérer des fardeaux de « là-haut ». Alice, tout spécialement, trouve un grand réconfort dans sa ligne de nage jusqu’au jour où une fissure apparaît dans le grand bain, préfigurant celles de son cerveau. Pour elle, l’inéluctable fermeture de la piscine résonne comme un clap de fin. Remontent alors à la surface les souvenirs de son internement dans un camp pour Nippo-Américains pendant la Seconde Guerre mondiale, d’une enfant perdue très tôt… Mais Alice oublie chaque jour un peu plus.
Avant qu’il ne soit trop tard, sa fille essaie de sauver quelques lambeaux du paysage fracturé qu’est devenue leur relation.
La ligne de nage - Julie Otsuka aux éditions Folio - 192 pages - traduit par Carine Chichereau - poche 10/2024