Tu connais 4'33 de John Cage ?
Je te raconte une anecdote avec le formidable morceau 4'33 de John Cage. Inconnu dans ma famille. Est-ce que tu connais ce morceau mythique de la musique répétitive ?
Le week-end dernier, j’étais chez mes parents. Ma nièce de 14 ans et ma sœur étaient là. Je leur racontais mon dimanche soir à la Philharmonie de Paris pour Music in 12 Parts de Philip Glass. En fait, j’en parlais pour leur expliquer qu’à une des trois entractes, j’avais réussi à prendre RDV avec ma psy pour le lendemain soir. Je voulais débriefer des événements en Israël. On était le dimanche 8 octobre. En racontant que j’avais eu la chance d’être prise en charge rapidement pour évacuer la peur que le conflit s’importe en France, je leur ai parlé du courant minimaliste dans la musique classique.
Ma famille est assez éloignée de tout cela. J’ai repris depuis le début. Le vendredi 6 octobre, j’ai reçu un mail de la Philharmonie nous détaillant le programme de la soirée du dimanche avec le Philip Glass Ensemble. Le concert commencera à 18 heures pour se terminer vers 23 heures et sera entrecoupé de 3 entractes dont une d’une heure au milieu. Exceptionnellement, il sera possible de manger un plat chaud. J’ai l’habitude des spectacles longs à l’opéra mais il ne propose pas de plat chaud. Ma nièce : “Tu as mangé quoi ? - Des monacos. J’étais venue avec mon paquet. Je n’ai pas pris le plat chaud”. Ma nièce : “Ahahah, des Monacos”.
Je raconte la musique entêtante, envoûtante, hypnotique de ce morceau construit en douze parties de Philippe Glass joué par ses musiciens. La Philharmonie s’est vidée à chaque entracte. Nous étions bien moins nombreux à la fin du concert. Étonnamment, j’étais bien. Je suis restée jusqu’à la fin. J’aime l’usure sur mon corps et mon esprit de l’écoute longue de morceaux de musique. J’aime les livres courts et les musiques longues. Elles érodent mes pensées. A la fin, il ne reste que le trognon.
Découverte 2023
Depuis le début de l’année, je découvre la musique minimaliste. Grâce à celui qui a eu la gentillesse (ironie) de me dire que j’étais décevante. Au final, je garde cela et c’est un très beau leg. Elle me plaît cette musique minimaliste/ répétitive née aux Etats-Unis dans les années 60. Au vu du public de la Philharmonie, ce dimanche soir, je dirai que c’est une musique qui convient bien aux introvertis/anxieux.. Par ces boucles et sa répétition, elle me fait du bien. Je suis en pleine découverte. Dans mon panthéon, il y a l’opéra Nixon in China de John Adams et ce morceau de Philip Glass Music in 12 Parts.
4'33 de John Cage
Pour en revenir à ma famille, je leur explique cela et je leur demande s’ils connaissent un des morceaux les plus emblématiques de cette musique minimaliste 4’33 de John Cage. En chœur, ils me répondent : Non. Je sors mon téléphone, cherche la vidéo sur YouTube. Ma mère râle car elle ne veut pas qu’on mette la musique trop forte. Elle veut qu’on l'écoute à un autre moment. Je la rassure en lui disant que ça devrait lui plaire. Je mets le téléphone dans les mains de ma nièce qui me questionne “La vidéo dure 3’42 alors que le morceau s’appelle 4’33.” Je lui réponds Regarde en lui donnant un peu de contexte. Le morceau a été joué par le Berliner Philharmoniker après le confinement, en novembre 2020. Elle appuie sur play.
“Chuuuut !!!, J’entends rien.” et là, je ris “C’est normal ! Il n’y a pas de musique. C’est un morceau de silence.” Comme on peut le voir dans la vidéo, John Cage a écrit trois mouvements sans partition. Ils sont tous surpris. Je me tourne vers ma mère et lui demande si elle a aimé. Que la prochaine fois, elle pourra nous dire “ Et si, on écoutait 4’33.” au lieu de nous dire qu’on fait trop de bruit.
Dans la semaine, je commence à raconter cette histoire à une copine à distance. Elle me dit “Quoi, je ne connais pas 4’33”. Elle googlise et me dit “Pourquoi la vidéo avec Petrenko fait 3’42 et pas 4’33 ?”. Je lui réponds: Écoute. Et là, elle me sort “Je crois que mon wifi déconne, je n’entends rien…”