Le 13 novembre (bis)

Lundi dernier (13 novembre), j'ai retrouvé l'humanité deux fois dans la matinée. A m'en réchauffer le cœur. Dans les yeux bleus d'un policier.

La première fois, dans les yeux bleus d'un policier. Quartier bouclé. Jour de commémoration. Ce jour là, c'est important pour moi de passer devant le bar La Belle Équipe (rue de Charonne), le lieu le plus proche de chez moi où 20 personnes ont été assassinées par les terroristes ce vendredi soir de 2015. Je venais déposer des bougies et me recueillir. Ma génération. Mon mode de vie. Mon quartier.

Tous les ans, j'ai aussi besoin de voir. De voir que cela a bien eu lieu et que collectivement on s'en souvient. Qu'on n'oublie pas. Que ce n'est pas rien. Toute l'année, je passe devant. Le bar est toujours là. Les gens boivent et discutent en terrasse. C’est un lieu comme tant d’autres dans mon quartier.

Ce matin quand je suis sortie à 9h, interdiction de traverser à pied le carrefour de la rue de Charonne et de la rue Faidherbe. Tout est rubalisé. Des flics partout. Quelques journalistes. Pas d'officiel. Personne. 

Je demande à passer sur le trottoir d’en face le bar La Belle Équipe. De franchir les 10 mètres avec mon café dans les mains. Le policier refuse m'expliquant qu’il ne peut pas laisser passer tout le monde. Je lui explique l’importance que ça a pour moi de passer là ce matin. Que c'est aussi très dur pour les riverains. Il m’a répondu “Allez y passer.” Faire ses dix mètres en pensant aux victimes. A leur famille et égoïstement à mon innocence perdue ce soir là, à tous les bouleversements que cela à engendrer et à la peur, tenace qui ne se décolle pas, 8 ans après que cela recommence.

Penser aux victimes. Penser à toutes les victimes de terrorisme et de la guerre dans le monde. A tous les civils qui ont péri ou périssent à cause du terrorisme et de ses conséquences. Et à tous les être humains qui sont touchés par ces événements. Qui ont une sensibilité. Nous sommes des êtres humains.

Ce matin, ce policier par son intelligence situationnelle m'a profondément touchée. J'ai senti mon besoin écouté et reconnu. Il a senti que je n'étais pas là, pour grappiller quelques mètres pour aller au taf. Qu'on était là pour la même chose. Se souvenir des conséquences des actes de terrorisme. Je n'oublierai jamais son visage juvénile et son humanité ce lundi matin.

Après des mois difficiles au printemps avec ces mêmes policiers, il a aussi guéri quelque chose en moi. L'humanité est encore là. J’ai retrouvé l'espoir que collectivement, on puisse y arriver.

J’ai continué mon chemin sans but en versant toutes les larmes de mon corps. L'avantage de vivre à Paris est que vous pouvez pleurer sous votre capuche. Personne ne viendra vous emmerder. C’est libérateur de le faire en marchant. Faut que ça sorte.

Quelques instants après avoir séché mes larmes, je suis aller me réfugier dans un de mes endroits préférés à Paris, Kaviari (j'en ai déjà parlé ici) rue François Mirron. J'ai besoin de calme, de me sentir en très grande sécurité et d'écrire ce que je ressens. Le serveur/gérant me reconnaît et prend de mes nouvelles. Je commande un latte et une tranche de leur délicieux saumon irlandais sur un blinis. En m'apportant mon assiette, il me dit, je vous ai ajouté du tarama Tobito au wasabi. Cette attention me réconforte le cœur.

Je le remercie et lui raconte ma matinée. Une nouvelle fois, j'ai trouvé l'humanité. La connexion humaine réconfortante. Celle qui fait un bien fou et donne envie de continuer la vie et de faire de belles rencontres.

Après avoir été réconfortée de la sorte, je suis allée dans un des endroits que je rêve d'aller depuis des mois. Je suis retournée au Louvre. Voir la beauté. Un autre réconfort. La suite bientôt.

Sainte Marguerite - Raphaël (1518) Musée du Louvre

Sainte Marguerite - Raphaël (1518) - Musée du Louvre

En voyant la gueule du dragon face à moi au musée du Louvre, j'ai su que le terrorisme avait cette tête là et pas une autre. Ce tableau symbolise cette journée : la victoire de l'humanité et de la beauté sur le terrorisme. Je n'ai pas mieux comme image que ce magnifique tableau de Raphaël.

Si tu as envie d'en savoir plus sur le tableau du maitre italien, c'est dans la notice du Louvre ici.

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