Trop plein de Paris

Cher journal,

Cela fait plus de trois ans que je n'ai pas ressenti cette sensation profonde de trop plein de la ville. Trop plein de Paris. On est en hiver et je me sens étouffée. Étouffée par le monde. Je n'ose même pas imaginer ce que je vais ressentir quand il va se remettre à faire chaud. Je n'ai plus aucune sensation de calme et de silence. En permanence, des gens dépassent les limites de mon espace physique. Pas volontairement, juste par manque de place.

Tous les jours, dans le métro et dans la rue, je suis touchée, bousculée, frôlée. Moi-même, cela m'arrive de ne pas ralentir assez vite et de percuter quelqu'un ou de forcer pour entrer dans un métro déjà bondé. Parce que je sais déjà que le prochain sera aussi plein. Alors à quoi bon attendre.

J'essaie d'aménager mes horaires, mes parcours, mes sorties pour éviter le maximum de personnes mais je n'y arrive pas. Il y a du monde à chaque coin de rue, de station de métro, de pistes de cyclistes.

Dans la ville surpeuplée, le corps est en permanence mis à l'épreuve. Avec une surveillance accrue pour protéger son intimité, son espace vital, la non atteinte à son corps. Je ne compte plus le nombre de fois où je suis comprimée dans le métro.

J'arrive à un stade où mon corps devient en alerte quand il voit plein de monde. Je suis en train de basculer dans l'anxiété et l'agoraphobie.

Ma mère a du mal à comprendre pourquoi à 40 ans je suis autant fatiguée. J'essaie de lui expliquer ce qu'est mon quotidien : vivre avec 2 millions de parisiens et 12 millions de franciliens. Elle a commencé à entendre quand je lui ai expliqué qu'un soir j'avais fait 20 min de métro avec un mec qui soufflait dans son saxo en jouant une seule note. Toujours la même. Une sirène.

Je l'aime ma ville mais elle m'use à petit feu. Je suis en train de me consumer de l'intérieur. Je vois des années d'espérance de vie s'envoler. Je m'étais promis de faire 10 ans et de repartir avant les Jeux de 2024. Parce que les Jeux, on les redoute tous. On n'y voit pas la fête du sport. On y voit que du monde en plus dans une ville surchargée. 

Pourquoi je ne quitte pas Paris si c'est si dur à vivre ?

Parce que je n'en ai pas encore fait le tour. Parce que ces trois dernières années, on était beaucoup plus supportable. Parce que mes amis sont là et aussi parce qu'aujourd'hui, encore, ailleurs représente l'ennui.

J'espère qu'un jour pour mon corps et ma santé mentale, je ne penserai plus cela. J'espère que la maturité m'amènera à ne plus tout vouloir mais à savoir renoncer. On n'y est pas encore.

Allez, je pars quelques jours loin de Paris me ressourcer et faire le plein d'énergie pour de nouveau pouvoir affronter la ville.

Emilie

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